20.2.08

Ne pas attendre la fin du film pour pleurer.



Une nuit, les choses éclatent une à une dans ma tête, pour mettre à jour tout ce qui me fait mal, pour dessiner chaque point, que l'on reliera ensuite, jusqu'à former un dessin numéroté, une cartographie de la souffrance qui répondra peut-être plus sincèrement que moi à la question : es-tu malheureuse?

Cette question devenue un passage obligé entre nous deux ne connaît qu'une réponse en forme d'alternative : un nonnonaucontraire qui veut se cacher les lendemains difficiles, ne vivre que pour l'instant, puisqu'avec toi je suis si bien ; un ouipeutetreunpeu qui quémande les caresses. Quand vient l'envie de crier en pleine nuit, c'est déjà devenu trop difficile de baisser la garde et d'exposer ses faiblesses, tant pis.

Balayant mes prévisions optimistes, le piège du nemelaissepasseule se referme sur moi, je le sens et évite de le dire, retardant le moment de l'aveu, le mien, et de son aveu d'impuissance, en forme de je ne peux pas te donner ce dont tu as besoin. C'est bien de ça qu'il s'agit. Encore une fois. Et ça fait mal de me l'avouer.

Lundi et mardi je réduis mes gestes au minimum, je dors l'après-midi dans le silence, j'attends et j'ai peur, mardi on sonne enfin à mon oreille, le sourire tremblant tout de suite, le bien-être physique qui revient immédiatement, qui revient comme lui, je suis là, je suis rentré, je viens ce soir. Dans le couloir, parfum et cheveux retrouvés, je joue à arrêter de respirer pour ne plus sentir que ça, il joue à m'étouffer en me serrant trop fort, moment parfait.

Plus tard dans la cuisine, le petit carnet noir puisqu'il s'est endormi, le petit carnet et mes clopes dans la cuisine, exactement comme s'il n'était pas là. Réveillé mais je ne suis vraiment pas drôle, la nuit me tombe dessus avec toutes les récriminations et les angoisses, j'essaye de me raccrocher à sa présence qui ne pose pas la main sur moi, je tatônne en espérant tomber sur quelque chose et ne trouve rien d'autre que gentillesse et patience, je m'énerve. Enfin, la lumière se rallume, les mains m'apaisent et elles sont la seule chose qui puisse me calmer. Il n'y a que ça qui puisse me calmer quand je voudrais parler.

Je surveille mes gestes au millimètre et guette dans le souffle et l'inclinaison du cou si nous sommes toujours en harmonie, je n'ai jamais fait autant attention et m'en veux d'avoir pensé que ça, ça au moins, c'était simple, alors que bien entendu ça ne peut pas l'être, ni pour moi ni pour lui. Dans nos yeux il n'y a plus que le bonheur de sourire de cette envie partagée. La douceur dans les plis au coin des yeux.
Il est assis au bord du lit les jambes dans le vide. Je suppose que ça a du être agréable, je le vois dans le regard perdu, dans le visage plus creusé, dans le silence. J'ai entendu deux fois je t'aime dans un souffle et je ne sais pas du tout si j'ai rêvé. C'était un si beau moment, se laisser aller, possible. Alors enfin je peux m'endormir.



Il est toujours question de fin de journée grise, de métro, de SMS laconique, de voix lasses. Et donc déjà trop de regrets ou de rancoeurs. Déjà trop de choses annulées. Je marche sur le fil qui nous relie dans le U-Bahn mais mes capacités d'évaluation sont au plus bas et le vide a pris le dessus, dire que je me suis mordue les lèvres cette nuit pour ne pas dire que je me sens seule.

Et plus il devient clair que bientôt mes besoins vont bouffer le semblant d'équilibre que j'avais tenté d'instaurer, plus, entre Weinmeisterstrasse et Kottbusser Tor, la ville me renvoie cette image, je suis cassée de l'intérieur et ce sera toujours pareil, toujours comme ça ce moment où je sens que doucement je glisse vers le ne me laisse pas toute seule abhorré. Bel effort, belle défaite, mes deux heures de sommeil me glissent à l'oreille que je suis venue non parce que je me sens bien dans cette ville mais parce qu'elle s'accorde mieux avec ce que j'ai à l'intérieur.

Je me sens grise, il y a ce mec blond platine au visage parfait et aux yeux bleus face à moi, la tête appuyée contre la vitre. Je regarde les néons au plafond, je suis déjà fatiguée de ma logorrhée mentale. Je ne suis pas drôle.
J'ai besoin de mots qui ne seraient pas les miens, j'ai besoin de dire noir sur blanc tu me fais mal, oui je suis un peu malheureuse, je ne veux pas être inquiète en permanence, pourquoi tu as attendu le lendemain de ton retour pour m'appeler, je ne veux pas être une fille qu'on cache, je te veux au milieu des autres, dis tu as un plan pour nous deux?
Et puis finalement à quoi bon, hein. A quoi suis-je encore en train de m'accrocher? A quelle chimère, à quelle personne qu'il n'est pas.

Je ne peux plus mais je sais que je veux encore. Je suis sinistre. Je lis la carte postale arrivée ce matin, je ne comprends rien, je la tourne et la retourne comme si elle devait m'apporter une révélation quelconque, la preuve que je suis ci ou ça à ses yeux, l'annonce de quelque chose. Je pourrais la jeter dans une poubelle sur le chemin, si j'étais dans un film.

Reprendre les rênes donc, commencer à pleurer dès maintenant.

PS : Je sais que c'est incompréhensible, mais il n'y a rien à comprendre.

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