Pourquoi y'a t-il exclusivement chez moi des yahourts, des soupes et des smoothies? Pourquoi je me réveille en nage 15 fois par nuit? Pourquoi boire un verre d'eau est-il une victoire essentielle? Pourquoi j'ai des cernes violettes alors que je dors 17h par jour? Pourquoi ma langue est-elle craquelée comme le sol du désert quand je me réveille? Pourquoi la nouvelle happy hour est-elle celle où j'ai le droit de prendre un anti-inflammatoire? Pourquoi boire de la soupe à la paille c'est déjà trop difficile?
Parce que angine.

Ma dernière journée francaise a été particulièrement éprouvante, de crise de larmes fièvreuses en crise de nerfs fièvreuses . Le médecin et sa prise de sang qui fait flipper (non mais je veux seulement vérifier que c'est juste une angine...merci bien...) à avion-3h, ma mère qui veut que je reste "à la maison" tant que je suis malade (sic), mon ordi qui meurt une nouvelle fois 1h avant mon départ, puis le chemin très rock'n roll jusqu'à l'aéroport, route verglacée, ma mère qui répète toutes les cinq minutes que je vais rater mon vol, puis qui fait du 140 sur l'autoroute, rallye zigzaguant sur le parking, pour finir arrivée à 20 minutes du départ de l'avion, j'entends l'hôtesse qui demande : "c'est ok pour le dernier voyageur?" dans le talkie-walkie et sa collègue qui répond "ja". Là, un ange passe, certes j'ai une sacrée poisse mais ce soir je serai à Berlin comme prévu.
En plus, voler la nuit c'est magnifique. Berlin ressemble à un marché de Noel géant, chaque quartier est une guirlande que j'enroule autour de mon cou, juste à coté de la joie de savoir qu'on m'attend.

21h40, le hall d'arrivée est désert, les passagers s'en vont les uns après les autres, je traîne mes quatre sacs mais je ne vois personne, le ciel me tombe sur la tête, je sors fumer par moins 10 degrés, de l'intérieur une nana me voit pleurnicher, gentillement elle me dit qu'un homme est passé plusieurs fois et cherchait quelqu'un et que c'était peut-être moi. Mais non.
Cette fille allemande qui a fait l'effort de me parler francais c'était ma marraine la bonne fée, j'en suis sûre, elle me prête son portable, j'appelle J. qui me dit je suis en route, j'arrive, apparemment effaré que je lui dise que j'allais partir alors qu'il n'avait que 7 minutes de retard (je n'avais même pas remarqué que j'étais arrivée en avance). Mon sourire renaît entre mes amydales violacées, je pourrais embrasser la fille, qui me propose de rester avec moi jusqu'à ce qu'on vienne me chercher, elle m'explique qu'elle est infirmière et que c'est une déformation professionnelle, limite elle s'excuserait.

Et puis j'arrive chez moi, pour la première fois je retrouve mon petit appartement, l'amie de ma mère qui est venue y passer une semaine m'a laissé de quoi payer quasiment un mois de loyer et des mini-cadeaux dans tous les coins.
Je deviens une malade qu'on dorlote, je n'ai pas la force de protester, je me laisse faire, l'horoscope 2008 promet du magnifique tous les mois, surtout quand on le lit à voix haute et en essayant de cacher son sourire, je prends enfin une bonne résolution, celle de ne plus claquer les portes à 3h du matin, puisque depuis je sais que le 1er janvier J. a visité ma ville natale "pour voir à quoi ca ressemble", et que le 2 il m'a envoyé une carte recue ce matin, je dois dire à Debbie qu'elle avait vraisemblablement raison. Personne ne dit s'il a réfléchi ou pas, toujours est-il que ca projette doucement, que les choses ne semblent plus si compliquées, qu'il est devenu possible d'être un peu kitsch juste ce qu'il faut et que les prévisions de catastrophe sont revues à la baisse.
Du coup je ne sais plus si je dois mourir de maladie ou de joie.